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Sexisme de la vie ordinaire : les serveurs qui font forcément goûter le vin aux hommes

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Il y a une chose, trois fois rien certains diront, qui m’agace plus que tout quand je suis attablée au restaurant avec une personne de sexe masculin (laquelle s’avère donc souvent être mon petit ami; mais ce peut être aussi un grand ami, un collègue, ou quelqu’un de la famille – peu importe à vrai dire) : c’est rarement à moi qu’on propose de goûter le vin.

Bien sûr, l’exercice peut être intimidant et je ne dis pas que mes connaissances en œnologie (avoisinant zéro), mon sens de l’odorat (tout relatif) et mon palais affiné (j’arrive à dissocier le sucré du salé) me permettraient forcément de délivrer une appréciation des plus clairvoyantes. Pire : je ne me vois jamais émettre le moindre soupçon légitime (« il est un peu bouchonné là, non ? », « je le trouve adipeux… ») et renvoyer la bouteille d’un geste précieux quoiqu’un peu agacé.

Mais enfin : sur quel(s) postulat(s) le serveur se base-t-il pour décréter, au moment où il s’avance en pingouin vers notre table, que la personne qui sera la plus à même de décider si-le-vin-est-comme-il-faut est nécessairement celle de nous deux qui porte l’appareil phallique ?

2013-03-29_pensees_plastiques_sexisme-ordinaire
On me fait savoir dans l’oreillette que le sommelier a la charge de proposer la dégustation du cru à celui qui l’a commandé. Tradition dans le service, us et coutumes de restaurateurs, argue-t-on. J’ai le regret de constater que même lorsque c’est moi qui choisis le vin, c’est souvent à l’homme qui m’accompagne qu’on propose de le déguster.

Cette vaste blague n’est pas sans me rappeler cette triste fois où, munie de ma carte bancaire je m’en suis allée régler la note au comptoir après un dîner auquel j’invitais mon aimé. Quelle ne fut pas la surprise du gérant, attendri autant que rigolard, qui s’est alors exclamé en direction de mon concubin, tout penaud face à l’invective : « Mais Monsieur, épousez-la ! Une femme, belle et qui paye l’addition ! C’est rare, épousez-la ! » « C’est prévu… », que répondit mon bel abasourdi. Toute agacée que j’étais, à la recherche d’une apostrophe bien sentie à retourner au rustique tenancier, je n’ai finalement rien trouvé de mieux que maintenir une flexion des zygomatiques (le sourire de circonstance que m’a très bien inculqué ma maman). Misérable réaction qui m’a valu un début d’insomnie à refaire 3 fois la scène avant de m’endormir, à la recherche d’un lot de réponses bien salées à mettre sur la table la prochaine fois.

Pour en revenir à notre histoire de vignoble : j’aimerais, chers serveurs-serveuses, que vous pensiez désormais à formuler votre amorce comme ceci : « Qui veut goûter ? » Trois mots, trois fois rien encore une fois, qui vous feront rompre avec cette tradition ancestrale et hétéronormée qui veut que l’homme tienne tout (la famille, le compte en banque, l’entretien de la voiture).

Je ne veux pas forcément goûter le vin… mais je veux au moins avoir la possibilité de le faire si l’envie m’en prend.

— Vous l’aurez peut-être remarqué, ce blog a subi un ravalement de façade. C’est à Large que l’on doit ce lifting. Mes billets d’humeur seront désormais accompagnés, autant que faire ce peut, d’une illustration également signée Large. Par ailleurs, nous avons décidé que cette image serait moins une retranscription visuelle de mon propos qu’un échange / dialogue avec celui-ci, duquel je ne serai pas nécessairement toujours solidaire. Mon goût adolescent pour la distribution démocratique des voix, sans doute.

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