Manu est un ami journaliste indépendant, rencontré sur les bancs de l’IPJ il y a maintenant un peu plus de deux ans. Ce Breton d’origine a la particularité d’avoir un faciès affiliable à tout un tas de communautés différentes (ouvriers espagnols, vendeurs de glaces portugais, étudiants baltes) mais cette information, quoique colorée, n’est ici qu’anecdotique puisque ce que j’apprécie le plus avec Manu, c’est en réalité nos débats de politique et société (salut le phrasé Bisounours insupportable digne d’étudiants en L2 à la Sorbonne débattant dans les couloirs du BDE en fumant des roulés avec du café Max Havelaar tiède).
Entendons-nous bien : quand je dis « débat », je devrais plutôt dire « discussion animée », car en réalité confrontation ulcérée et crachats au visage il n’y a que rarement. C’est que Manu et moi nous rejoignons sur un paquet de points : la critique de l’internationalisation du capital, un certain scepticisme face à l’entité Europe, un intérêt (qui, chez lui, confine même à la passion) pour la question du revenu de base, un agacement pour la collusion des intérêts entre grands groupes de presse et lobbies économiques, bref – le refus de voir l’ultralibéralisme comme un horizon indépassable. Mais au milieu de ces convictions communes, il y a également (et heureusement) des sujets à propos desquels on se chiffonne : la famille (que j’envisage comme une entité bourgeoise de laquelle il s’agirait de s’extirper parce qu’il faut casser la gueule à ses aînés – lui se place en faveur d’un renforcement coûte que coûte du lien social), les questions de genre (à un certain niveau, Manu pense que nos identités sexuelles ne peuvent être uniquement culturelles – mais il se soigne) et… la question de la forme que peut prendre le changement social.
C’est de ce dernier point que je souhaiterais vous parler aujourd’hui. Alors que j’ai (sans doute) la fâcheuse tendance à ancrer ma critique de la société dans une réflexion tantôt belliqueuse et nostalgique des Grands Soirs, tantôt désespérée et contemplative, Manu, lui, a décidé de constater que tout n’est pas noir et qu’une révolution (à défaut de LA révolution) est vraisemblablement déjà en marche. Qu’il s’agisse d’économie, de politique, d’urbanisme ou encore d’éducation, les alternatives imaginées par des citoyens inventifs nous entourent, sans qu’aucun relai médiatique d’envergure nous permette encore véritablement de nous en apercevoir.
Ce travail de défrichage, Manu le propose à travers son projet de journalisme itinérant : « le Tour de France des Alternatives », qu’il a poétiquement paraphé « Sur la route des utopies concrètes ». Pendant 6 mois, il va aller à la rencontre de ces activistes de l’ombre, ces militants de la vie ordinaire, acculés par la crise, comme le reste du pays, mais ayant décidé de déployer patience et énergie pour agir en faveur du changement, à leur échelle.
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Habitat groupé (des citoyens qui se regroupent pour mutualiser les coûts du logement), lycée autogéré (des élèves qui participent au processus décisionnel de leur établissement), entreprise reprises par ses salariés (via un modèle collaboratif)… Au gré d’un parcours constitué d’une cinquantaine de destinations, Manu proposera régulièrement sur son site des articles expliquant ces différentes initiatives. Je ne peux que vous inviter à lire la tribune publiée sur Slate de notre baroudeur où il explique son projet mieux que moi (sans trop vous agacer du titre angélique et benêt, qui fait un peu radio hit de Jenifer en 2004, le titre initial étant un « La révolution qui vient » plus sobre) et suivre de près ce voyage, soutenu par Slate, la mairie de Paris, le Mouvement des Colibris, Oui Share, et plein d’autres médias et collectifs de citoyens qui ont d’ores et déjà relayé le projet.
Manu, bon voyage, bonne route, fais de belles rencontres, reviens avec plein d’idées, tiens-nous au courant. Moi qui te taquine souvent en te taxant de hippy démocrate trop optimiste, je te concède aujourd’hui ma conviction qu’il n’y a jamais de trop-plein d’optimisme quand celui-ci va main dans la main avec la critique. Au contraire : créer des alternatives locales, c’est plus que jamais montrer son désaccord avec l’ordre global. À bientôt, l’ami.
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— Le site du Tour de France des Alternatives
— Sa page Facebook
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